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Mon aventure dans le monde passionnant des abeilles

 

Une progression par étapes

 

Alambic

Installé dans le Gard depuis l’année 2009, j’entrais dans l’agriculture en 2011 par l’exploitation d’une ressource locale : les plantes aromatiques et médicinales (PAM). J’achetais un alambic en cuivre en 2012, et je me suis lancé dans une autre aventure de plusieurs années, racontée dans mon livre « Mon aventure dans la distillation des huiles essentielles – la distillation pour tous ». 

Je fus confronté pendant toute cette période à de multiples difficultés : la concurrence internationale et industrielle qui tire les prix vers le bas ; l’illégalité dans laquelle se trouve placé un petit producteur vendant en direct ses produits, à des consommateurs naturellement désireux de connaître les propriétés et les utilisations des plantes, dont il est interdit de parler sous peine d’exercice illégal de la médecine et de la pharmacie ; les réglementations européennes sur les cosmétiques (produits en contact avec la peau) obligeant à des déclarations de recettes coûteuses et à des contrôles de qualité hors de prix… Bref, les problèmes de la plupart des producteurs agricoles qui sont enserrés dans un garrot qui se referme pas à pas.

Constatant que je m’en sortais à peine, financièrement, malgré un travail énorme, j’ai décidé au début de l’année 2017 de me reconvertir et j’ai suivi les conseils d’un ami qui avait pratiqué l’apiculture en amateur, mais en collaboration avec un vieil apiculteur cévenol pendant une trentaine d’années, et qui a commencé à m’initier. J’ai lu plusieurs livres sur l’apiculture, et comparé théoriquement plusieurs pratiques. En fait deux : la ruche à cadres dont la représentante la plus répandue est la ruche Dadant, et la ruche Warré (voir l’onglet dédié aux pratiques en apiculture).

Aiguillé par mon ami Ludo qui a travaillé pendant plusieurs années pour le compte d’un apiculteur que l’on pourrait presque qualifier d’industriel, j’ai opté pour la ruche Warré. J’en ai fabriqué par la suite une cinquantaine, et j’ai commencé par acheter une dizaine d’essaims à un gros apiculteur local.

J’avais lu le livre de Gilles Denis : « la ruche Warré – Techniques et conduite », et celui de l’abbé Warré : « l’apiculture pour tous ». Quant à l’ami qui m’a initié, il avait arrêté sa pratique avant l’arrivée du varroa destructor en Europe. Comme les livres sur la ruche Warré mettaient en avant le côté sain de ce type de ruche, et ne parlaient pas de ce fléau, même si je le connaissais un peu au travers d’autres lectures, j’ai été un peu naïf, pensant que la qualité de vie des abeilles dans ces ruches leur permettrait de s’adapter à différents types de maladies et de parasites.

Le varroa est un acarien parasite des abeilles, que l’on pourrait comparer aux tiques pour les chiens. Il pompe le sang des abeilles (l’hémolymphe) et les affaiblit peu à peu. Comme les tiques, il leur transmet également des maladies.

Se laissant tomber d’une abeille adulte dans une alvéole au moment où la larve qui s’y développe atteint le stade où l’alvéole va être operculée (fermée par un opercule de cire), elle commence à infester la larve qui sera déjà bien anémiée lorsqu’arrivée à terme, l’abeille sortira de son alvéole. Le mode de fonctionnement du varroa, qui est, tout comme tant de comportements d’espèces dans la Nature, d’une grande intelligence, ne laisse aucune chance à nos abeilles (apis mellifera). Nous devons les aider à lutter contre ce parasite.

Ayant récupéré au mois de mai mes dix essaims dans des ruches Dadant que l’on m’avait prêtées, je les ai placées dans un endroit de garrigue qui se trouvait par bonheur à proximité d’un petit ruisseau que la nappe phréatique, à cette époque, avait maintenu humide pendant l’été.

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J’utilisai la technique prônée par Gilles Denis pour transférer les essaims des ruches Dadant vers les ruches Warré, aux dimensions nettement plus petites.

Cette technique se déroule en deux temps. Tout d’abord, par une belle journée ensoleillée, on sort un à un les cadres de la ruche Dadant, et on leur donne un coup sec au-dessus d’un grand carton afin de faire chuter la quasi totalité des abeilles à l’intérieur. On termine en frappant la ruche renversée, puis on fait rouler les abeilles du carton vers une ruche Warré dont on a bouché l’ouverture, et que l’on ferme ensuite après avoir remis les barrettes. On place un nourrisseur, un couvre-cadre puis le toit. On remet à sa place chacun des cadres de la ruche Dadant, dont on s’est assuré avant l’opération que l’un des cadres au moins contenait des œufs de moins de trois jours.

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On amène la ruche Warré dans une cave pendant deux ou trois jours, en plaçant du sirop dans le nourrisseur, et en la laissant fermée. En effet, si elle était ouverte, les abeilles préfèreraient essaimer. Comme elles sont prisonnières et que les abeilles ne restent jamais inactives, elles vont commencer à construire des rayons pour y stocker le sirop qu’elles transforment en miel, et la reine va se mettre à pondre dans ces embryons de rayons. On peut alors replacer la ruche à l’extérieur et enlever la portière.

Quant à la ruche Dadant, les abeilles qui voletaient pendant l’opération de transfert et les nombreuses butineuses de retour dans la ruche vont s’apercevoir de l’absence de la reine, et sélectionner des œufs pour élever une nouvelle reine. Lorsque la reine sort de son alvéole, tout le couvain pondu par la précédente reine est né et la colonie est ainsi assez populeuse. Un mois après le transfert, on visite la ruche et on sort un ou deux cadres au centre pour y constater un début de ponte : la jeune reine a effectué son vol nuptial et a débuté son rôle de mère.

C’est le deuxième temps : on vide à nouveau la ruche de ses abeilles dans une ruche Warré, qu’on laisse ouverte et qu’on dispose à la place de la ruche initiale. Si on veut bien faire les choses, on découpe des morceaux de rayons contenant le couvain et du miel pour les placer sur des barrettes de la ruche Warré. Les butineuses et les abeilles qui ont tourbillonné pendant le second transfert entreront dans la nouvelle ruche.

Ainsi, le transfert en deux temps permet de doubler le nombre de ruches, qui seront logiquement moins fortes que la ruche initiale.

L’été 2017 fut très chaud et sec dans le Gard, mais un peu moins que de nos jours. La persistance dans le lit du ruisseau d’un filet d’eau avait permis de maintenir un peu de fleurs de garrigue que les abeilles purent butiner. Ayant divisé mes ruches pendant l’été, je n’ai pas fait de récolte cette année-là, afin de leur laisser de quoi se nourrir pendant l’hiver.

Tout se passa bien jusqu’aux premiers froids. Je trouvais alors toutes mes ruches vides, les abeilles mortes devant des ruches pleines de miel. Je compris assez vite qu’il s’agissait des conséquences du varroa destructor. L’année d’après, je suivis une formation sur les traitements en bio contre ce fléau.

Essaim abeilles

J’ai eu quelques différends avec l’ami qui m’avait conseillé l’apiculture, et c’était lui qui avait trouvé l’apiculteur qui nous avait vendu les essaims (car il en avait acheté lui aussi).

L’année suivante, j’achetai vingt essaims auprès d’un magasin d’apiculture proche de Montpellier, dont j’avais trouvé le site par Internet. Après avoir réservé les essaims pendant l’hiver en versant au passage un copieux acompte, je découvris peu à peu la façon de procéder du vendeur : il fait venir au printemps des ruches de Slovénie, contenant des fortes populations d’abeilles. Il achète parallèlement des reines, qu’il place ensuite dans les ruches apportées par les clients avec une louche d’abeilles prélevée dans les ruches slovènes. Il fait ensuite attendre les clients le temps que la reine ait pondu deux générations d’abeilles (au moins un mois) et livre ensuite, assez tard dans la saison, ces essaims qui se sont fort peu développés.

Grâce à mon ami François et son camion à plateau, nous avons déplacé les ruches sur le terrain de deux autres amis à Morrissanges, dans le Livradois. En effet, échaudé par la sécheresse endémique du Gard, j’ai voulu les placer plus Nord. Las ! cet été là, il fit aussi chaud et sec dans le Livradois que dans le Sud ! Les colonies d’abeilles sont restées chétives, à tel point que j’ai pensé qu’elles ne passeraient pas l’hiver. Je les ai rapatriées à Villevieille, à côté de Sommières dans le Gard, pendant l’automne. Au printemps 2019, décidé à m’épargner des allers-retours fastidieux autant qu’inutiles, je semai à Villevieille sur une bonne parcelle une prairie mellifère et j’y installai une irrigation. Etrangement, alors qu’au mois d’avril la parcelle commençait à fleurir, je notais que les abeilles se dirigeaient, en sortant des ruches, dans la direction opposée, sans doute vers un jardin voisin.

La prairie mellifère profitait finalement aux pollinisateurs sauvages…

Morrissanges - le rucher après installation

À la fin du mois de mai, il s’arrêta de pleuvoir, la chaleur arriva et brûla tout. Les fleurs de la prairie mellifère montèrent en graines, puis s’asséchèrent. Les abeilles ne ramenaient plus de nectar ni de pollen dans les ruches. Sans nourriture pour le couvain, les reines stoppèrent leur ponte et les abeilles mortes ne furent pas remplacées : les colonies s’amenuisèrent. Lorsqu’elles n’occupèrent plus qu’une petite partie de leur ruche, la fausse teigne fit son entée.

La fausse teigne est un papillon qui ressemble à une grosse mite. Il pond dans les interstices de la ruche ou entre carrément pondre à l’intérieur. Un tout petit ver sort d’un de ses œufs et se déplace en se nourrissant de la cire qui compose les rayons. Il grossit et laisse derrière lui une trainée de filaments et d’excréments insalubres. Caché au cœur des rayons, il se transforme en papillon et pond tant qu’il peut. Tous les rayons non utilisés de la ruche sont colonisés, puis cette gangrène s’étend, soumettant la colonie à une pression de plus en plus forte, jusqu’à ce qu’un petit essaim s’en extraie, prenant son envol pour chercher ailleurs un endroit pour redémarrer.

Les colonies fortes gèrent naturellement le problème. Mais dans le cas de mes essaims, fragilisés dès le départ, puis de plus en plus affaiblis par les conditions climatiques, ce fut le coup de grâce.

Cette fois-ci, j’avais correctement traité contre le varroa. Mais je perdis néanmoins mes colonies qui, je l’espère, ont pu se reconstruire ailleurs.

 

                Dans le Gard, l’apiculture professionnelle fonctionne selon un unique processus : la transhumance. Il y a quelques années, j’avais entendu un apiculteur cévenol dire qu’il voulait acheter des terrains en montagne pour y implanter des ruchers sédentaires. Je ne l’ai pas revu depuis, mais je doute que cela soit encore possible. La neige a pratiquement disparue l’hiver et les précipitations, quoiqu’importantes, tombent sur un intervalle de plus en plus court. La sécheresse, qui n’est plus qu’estivale, grève les possibilités pour les abeilles de récolter du nectar.

Dans ces conditions, la seule solution pour les apiculteurs est la transhumance. Il s’agit donc de maîtriser deux facteurs incontournables : tout d’abord posséder les moyens logistiques (camion ou 4x4 et remorque avec amortisseurs et freins) et ensuite avoir un carnet d’adresse rempli de propriétaires de champs ou de forêts autorisant le stationnement de ruches, et ce de façon à déplacer ses ruches selon un planning bien serré (bruyère, thym, acacia, châtaignier, lavande, romarin, sapin, callune…).

                Ce n’est pas mon cas. Et de plus, je n’en ai pas envie. J’ai choisi l’option du rucher sédentaire car je pense que c’est le mieux pour les abeilles. J’ai donc préparé depuis quelques années un plan visant à aider les abeilles en achetant des plants d’arbres et arbustes mellifères et fruitiers.

L’an dernier, j’ai fait un périple en cherchant dans et autour du Massif Central un endroit où je pourrais dans un premier temps installer un rucher dans ces conditions, et ensuite m’y installer.

Mon but est de développer mon activité d’apiculteur, et de créer en parallèle une forêt-jardin qui abrite un potager en permaculture, et tendre vers l’autonomie en se reliant à d’autres personnes complémentaires.

J’ai terminé mon voyage par la Creuse et le Puy-de-Dôme. C’est là, à Château-sur-Cher, que j’ai rencontré une petite famille qui venait de quitter une villa à Lacanau en Gironde, pour aménager dans un petit village perdu au milieu de la France profonde. Nous avons sympathisé, et ils m’ont proposé de disposer d’un de leurs terrains et de la grange en contrebas, qu’il faudra restaurer pour en faire un atelier, une miellerie, un lieu de stockage.

                J’ai retrouvé l’apiculteur qui m’avait vendu mes premiers essaims, et j’ai commandé vingt essaims pour le mois de mai 2022. Grâce à mon ami François et à son camion plateau, les ruches ont voyagé de nuit jusqu’en Auvergne, où nous les avons installées, tout en haut du terrain en pente.

J’ai acheté vingt vieilles ruches à nettoyer, et parfois à restaurer, à l’apiculteur bienveillant, qui m’a en outre donné une cinquantaine de hausses réformées, que j’ai aussi nettoyées et désinfectées.

Trois mois plus tard, j’ai pu effectuer ma deuxième récolte, tout en laissant aux abeilles des corps de ruches remplis de provisions pour l’hiver.

Je crois bien avoir trouvé le bon endroit pour m’installer.

La vue depuis les ruches
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